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LIVRE DE JEAN D'IBELIN. 385

CHAPITRE CCXL.

Se le 1 seignor tient aucune chose dou fi£ de son home autrement que par assise ou par usage ou
par esgart ou par conoissancc de court, coment il le deit requerre au seignor et par sa cort 2 .

Se le seignor tient aucune chose dou fi6 de son home autrement que par
assise ou par usage ou par esgart ou par conoissance de court ou par eschange 5
ou par ensens 4 ou par apaut ou par comande, ensi que celui de qui le fi£ est le
viaut aveir, il le deit requerre au seignor 5 deus ou treis feis entre lui et lui , et
apr6s en la court autant ou plus sahz plait, et en tel maniere que il deit dire :
« Sire , je yoz pri et requier come a mon seignor que voz me rend^s ou faites
t rendre tel chose que je entens qui est de mon fte : » et die quel chose ce est que

1 Lei. a. — 2 /I le doit requerre aa seignor par sa cort. b. d. e. t. — 5 Eschampe. b. d. b. t. — 4 Ensons.
b. Content, d. e. t. — 5 b.

c6demment infeod6 celles qui 6taient disponibles et que
le dangereux usage de vendre les fiefs se repandait de
jour en jour davantage , prirent le parti d offirir des rentes
en fief. Le vassal s'engageait comme s'il eut recu une
terre, faisait hommage et acquittait le service accou-
tum6; c'etait la ce que Ton appelait fiefs de soud&es, de
solde, ou de bourse. (Du Cange, Glossarium, verbis Feu-
dam nummoram, Feudum soldatce.) Mais il est facile de
comprendre que ce pr&endu vassal n'&ait, dans le fait,
qu'un soudoy£, qui, lorsque I'exp&iition pour laquelle
il avait e*te* enroll, £tait terminee, ne r£sidaitplus au-
pre* de son suzerain et n*entretenait avec lui que des
relations eloigners. Entre des vassaux de ce genre,
dont le nombre pouvait toujours 6tre augment^ , et qui
souvent ne se connaissaient pas les uus les autres , les
obligations et les droits de la pairie n'existaient qu'acci-
dentellement et tant. qu ils 6taient sous la banniere de
leur chef. Si Tabus que nous venons de signaler faisait
sentir ses effets dans toute TEurope, il produisait des
r£sultats encore plus funestes dans le royaume de Chypre.
Les souverains ou les bails de ce pays appelaient de
la Syrie des aventuriers que la puissance des Musul-
mans forfait de fair, et les enr61aient pour appuyer leurs
droits ou leurs pretentions dans les guerres qu'ils sou-
tenaient contre les Strangers ou contre les partis qui
divisaient le pays. Pouvait-on attendre de semblables
vassaux beaucoup de t&noignages de fidelity ou de det-
ain teressement? II ne faut done pas croire que les prin-
cipes de droit ftodal qui spnt deVeloppea par Ibelin,
recussentdans ce qu'on appelait, de son temps, le royaume
de Jerusalem, une application rigoureuse, niVe"tonner
si les faits rapporte* par cet auteur contredisent quel-
quefois ses propres theories.

A la fin du xn° siecle , les rois de Chypre 6taient v£-
ritablement tombea dans la pauvret6, et ne pouvaient
plus donner de fiefs ni meme entretenir de soudoyes.
Le continuateur de Guillaume de Tyr nous a transmis ,
sur la situation de ces souverains , des details qui peu-
vent servir de commentaire aux discussions d'Ibelin , et
que, pour ce motif, nous placpns ici:

• Or vous dirai que le roi Gui (Guy de Lusignan)
« fist, quant il ot l'isle achetee. II envoia en Ermenie et
« en Antioche ses messages , et en autre liues , et manda a
« ceus du pais qu'il venissent en l'isle qui venir vodroient,
« et il lor donroit terres et garnisons a grant plenty.

■ Li chevaliers qui deserit£s estoient et a cui les Sarra-

• zins avoient lor terres tolues, et les pucelies et les
« dames veves i alerent. Le roi Gui lor donna terre a
« grant avoir; tant qu il fiefa ccc. chevaliers en la terre,

• et cc. serjans a cheval , sans les borgois , cui il dona
« grant terre et grant garnisont Quant il ot tant donne\
« il ne U demora mie dont il peust tenir xx. chevaliers
« de maisni£. Ainsi puepla le roi Gui l'isle de Chipre ;

■ et quant il Tout ainsi pueplee, ne demora guaire
«aprea quil fat mort. La terre eschai au cones table

■ Aimery son frere. D vit qu'il avoit poi de terre, et

• que les terres que son frere le roi Gui avoit donnees
« por mille besans , valoit au double , que chascun en
« avoit pris tant com il voloit. II manda tous les che-
« vaKers de la terre, et lors dist : Seigpors , le roi Gui
« mon frere vous dona tant que rien ne \i demora. La
« terre m'est eschue , et sire en sui, tant com Dieu plaira.

• Vous estes mi homes , et je n'ai point de terre. II i
« a tex de vous qui plus en ont que je n'ai ; et coment
« serai je povre et vous puissans et riches , et n'aurai

• que despendreP il n'afiert pas. Pren6s conseil entre
« vos , et me renders chascun tant que je puisse estre
« entre vos come sire , et vous puisse aidier com a mes
« homes. II pristrent conseil et li donna chascun de sa

• terre tant comme au cuer li vint. Tant fist le cones-
a table Aimeri , que par force que par amor, que quant

• il fu mort, li valoit les terres de Chipre deux cens
« mille besans. • [Amplissima Collectio, t. V, col. 638. )

Ibelin n'avait pas dit, et rien dans son livre n*auto-
risait a penser que le seigneur, quand il tombait dans
la pauvret£, put reprendre a ses hommes une portion
des fiefs quil leur avait donnas; nous n'avons m^me
vu nulle part cette faculty clairement exprimee ; mais
il est naturel de penser que, dans un cas pareil , l'£qui(6
suppl^ait au silence de la loi.

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