Diary and algebra notebook, Joseph Stripounsky, 1940 (in a book enclosure)

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Left page Les enfants semblent partout être devenus plus difficiles pour le manger. Asry l’est terriblement. Aujourd’hui il demande lui-même d’aller le coucher. Qu’arrive-t-il ? Il a attrapé le hoquet. Il dit qu’il fait du « hockey » et en se trompant du « tennis ». Il a demandé pourquoi quand on est allé à Toulouse papa a dit qu’il n’avait pas quatre ans. Maman dit : « par erreur ». Il répond : « non, parce qu’il ne voulait pas payer pour moi. » Je vais écouter les informations. Il y a là un type du village qui a fait son baccalauréat. Très étonnant mais ainsi. Dimanche 9 juin 1940 Je me lève plus tôt que d’habitude. Après lecture du journal allons papa, Asry et moi à Castelginest pour faire des achats. Parité du franc belge français. Maman va apprendre à rouler à vélo. Le temps se remet au chaud. Je suis littéralement mordu par les moustiques. Papa installe des étagères dans notre belle chambre. Jeannot a lavé Muzette, elle en est sortie encore plus sale ! Bobby est complètement en disgrâce. Je vais à Saint-Sauveur. Très bien reçu ! Mme me montre une sorte de poêle et un nouveau pudding. Elle ne fait que parler et ne me laisse pas placer un seul mot. Nous allons faire une promenade et arrivons à une sorte de plage où je prends un bain de pieds. C’est infesté de moustiques. Nous goûtons ensuite et je rentre vers 6h. Cette femme est une bavarde sans pareil ! La soirée est comme toutes les autres. Asry et parents sont allés chez les « connaissances ». Lundi 10 juin 1940 Je me lève très tard car j’ai mal dormi. Papa veut aller aider madame Mech à sarcler le maïs. Le facteur a la manie d’arriver tous les jours plus tard. Il est déjà 10h25 et il n’y est pas encore. Le feu cause des malentendus sans pareil. C’est une

Right page [marginalia] ils trouvent qu’avec dîner et souper ils ont assez. N’ont pas besoin de déjeuner ! Leur manger = pain sec + H2o. [/marginalia] affaire dégoûtante que de s’en occuper tout le temps. Je vais avec papa travailler sur les champs. C’est un travail vraiment esquintant. Comment ces gens sont-ils capables de travailler tout le temps ainsi ? La correspondance est très riche aujourd’hui : 2 lettres de Gertie et 2 du LMT. Je vais faire des achats à Castelginest. L’après-midi allons au village. Consultons les listes des réfugiés. Les van Straeten ont changé leurs prénoms pour qu’on ne sache pas qu’ils sont juifs ! Ils ont peur de le montrer. Ils parlent pourtant continuellement de Yid et de goï. Nous recevons l’adresse d’un bon charcutier. Toujours cela pour changer ! Pour le moment, le temps semble au BEAU FIXE. Il ne fait cependant pas trop chaud. Ce soir nous avons essayé de cuisiner sur du charbon de bois. Cela a été un fiasco. Soyons persévérants. Le manque de cœur des gosses ici est incroyable. Ils battent les animaux sans raison, ne pensent pas aider leurs parents fatigués du travail (du moins Jeannot). Ceci me fait penser à Rosy ! Sur le front la bataille fait rage depuis quatre jours. On estime que c’est la phase décisive. Les boches n’ont pas acquis de résultats notables malgré leur 2 millions d’hommes en ligne. David s’est engagé comme volontaire dans un service auxiliaire de l’armée ! Je ne lui souhaite pas d’aller au front. La Belgique prend de 19 à 35 ans. Une tuile pour les gens : parité du franc belge et français ! Le bruit court dans le village que « l’Italie SERAIT ENTREE EN GUERRE ! ». Est-ce vrai ? J’irai l’écouter à 21h30 à la radio du village. C’est vrai. Mardi 11 juin 1940 L’entrée en guerre de l’Italie désappointe un peu les gens. Le temps est mauvais, il pleut. Je reste à l’intérieur et répare mon phare. Le charbon de bois donne de bons résultats. Le temps est maussade. Je vais à la poste de Bruguières. Cartes postales pas encore arrivées. Je reçois cartes pour le sucre. Mech est persuadé que les boches viendront à Paris.

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Left page Mercredi 12 juin 1940 Bobby n’est pas venu me chercher. Le voyage est probablement trop fatigant pour lui. Le temps semble se rétablir. L’après-midi je vais à Toulouse. Aucun journal parisien n’est arrivé. Je fais mes courses. Cependant pas moyen d’avoir du travail. Je vais ruer du Taur. Je n’y trouve personne. Au moment de partir je rencontre Fraucourt. J’achète des stabilisateurs pour Asry. Au retour j’ai eu des ennuis mécaniques : la chaîne saute, la roue se désaxe. Finalement j’arrive vers sept heures à la maison. Le soir je vais écouter les informations. Jeudi 13 juin 1940 Il fait un temps de chien. Je dois aller chercher le docteur pour Asry. J’ai de nouveau des ennuis mécaniques. La chaîne est cassée. Le docteur vient (Asry souffre du changement d’alimentation). Le boucher n’est pas venu, probablement à cause du mauvais temps. Après la drache l’après-midi je vais à Aucamville. Je dois prendre le vélo de la voisine car ma chaîne est cassée. Il n’y a pas de frein dessus. A Castelginest, je me jette presque sur une vache. Je rentre assez tard sous une drache nationale. Le soir allons écouter la radio. Reynaud parle d’une façon pessimiste. Je reçois un livre pour lire. Je pourrai avoir des livres de maths. Le maire a été malade. Dimanche il a pris une purge mais cela n’a pas réussi. Tout le village en parle. Vendredi 14 juin 1940 Je me lève assez tard. En allant à Bruguières, je casse à nouveau ma chaîne. Je peux heureusement la faire réparer.

Right page Il paraît que 60 parachutistes sont descendus à 4 km de chez nous. Comme il n’y a pas eu de combats, je n’en crois rien. Asry a pris la sale habitude de se mettre à pleurer au milieu de la nuit. Il est fortement gêné par ses boutons. Avons reçu ce matin une carte d’Aronovitch. Ils sont à Vivenda Maria Vieira/S. Joao de Estoril – Portugal. Le bonhomme ici prétend que Paris n’est pas évacué, qu’on va déposer les armes après-demain, qu’une révolution va éclater ici. Ils sont bons ces gens-là. Au lieu de penser à ça, qu’ils pensent plutôt à la défense nationale, ça vaudra mieux. Il est cependant vrai que les nouvelles ne sont pas des meilleures. Les troupes françaises ont abandonné Paris. L’après-midi nous faisons un tour au village. Les gens sont assez découragés. Samedi 15 juin 1940 Le journal ne confirme pas le lâcher de parachutistes. Asry a eu une mauvaise nuit et le matin ne fait qu’ennuyer. Suis allé chercher des légumes au village. Reçu une lettre de Rose et Gisèle. Pas de nouvelles ni de Jacques ni de Sabine. Le journal ne parle pas de merveilleuses nouvelles. Les E-U ne bougent pas. Le mercier est passé. Les marchandises sont excessivement chères. [emphasis] Q et G Schreiber chez Mr Rolland Saint-Rustice par Castelnau d’Estretefonds [/emphasis] Après-midi décidons d’aller en visite à Saint-Sauveur. À peine partis, il commence à pleuvoir. On rentre. Malgré mes dires, on repart. Papa et maman arrivent sous la drache qui durera toute la soirée. Robert est très froid. Il me tourne tout le temps le dos ou quitte la chambre. Asry a beaucoup ennuyé. Le téléphone ne marche pas, il pleut toujours. Je rentre avec Asry sous la drache. Papa et maman rentrent à pied et arrivent secs. Papa est furieux à cause du temps. Je bats Jeannot deux fois aux dames. Je prépare

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Left page des spaghettis pour le souper. Mme trouve que son mari aime bien galoper. Il avait une réunion des anciens combattants.

Dimanche 16 juin 1940 Papa et maman me souhaitent un heureux anniversaire. Je pars avec Jeannot porter le chien à Labastide ensuite nous allons à Saint-Sauveur où je rapporte les parapluies et le loden. Asry est continuellement en train d’ennuyer. C’est devenu un État naturel. Le patron est un def[illisible] qu’il ne se fasse seulement pas attraper. La Russie commence à bouger. Elle envahit la Lituanie. Qu’est-ce qui suivra ? Quelque chose de bon ? Nous l’espérons. Maman parle d’aller au Portugal ou en Angleterre. Allons toucher l’allocation. Le maire remet sur la table la trahison de Léopold. Il défend d’écouter la radio ennemie. Les E-U accordent de l’aide avec le matériel. Passons la soirée au coin du feu. Lundi 17 juin 1940 Le gouvernement démissionnaire. Dictature militaire l’a remplacé. Que nous donnera-t-elle ? Les boches avancent toujours. Les gens sont très pessimistes par ici. Je m’emm… j’aide à faire le dîner, papa travaille sur le champ et Asry fait tout son possible pour ennuyer. Le temps est assez beau mais pas la situation. Le maréchal Pétain va parlementer avec Hitler ! C’est foutu. C’est confirmé partout. Nous ne voulions pas le croire au début. Asry reçoit la visite de son petit ami. Je suis devenu cuistot. Nous allons au village pour réentendre les mauvaises nouvelles. Asry voulait recevoir des boules à l’épicerie. Pour y aller, il dit qu’il va monter les pintades qui se trouvent devant. À partir de maintenant il veut tout le temps prendre le médicament pour manger les boules.

Right page Que va dire le maire qui se pavanait tellement ? Il était si fier et disait que nous étions la cause de tous les malheurs. Ils sont d’ailleurs tous ainsi, l’institutrice surtout. Nous serons bientôt des indésirables ici. Où aller, quoi faire ? On n’en sait absolument rien. Maintenant on constate que ce que Jacques avait dit est complètement vrai. Je pense maintenant à ceci : 10 mai anniversaire de David et début de la guerre, 16 juin mon anniversaire et fin de la guerre. Cela a vite marché et Mussolini a vu ce qu’il avait à faire. Aux colonies il en attrape quand même. Le soir je vais aux informations. Je rends le livre monsieur Sicard. Mardi 18 juin 1940 Le journal annonce rien de nouveau. Le matin se passe à la maison car il fait mauvais. J’aide à la cuisine. Après-midi nous allons faire vacciner Asry. Il pleut de nouveau et on rentre. Maman écrit des lettres à Bayonne et Aronovitch. La voisine nous apporte de la salade. C’est très gentil de sa part. L’article de fond de « La Dépêche » est excessivement violent. Pourquoi a-t-on caché tout le temps la vérité ? Mercredi 19 juin 1940 On prétend que les Allemands seront ici dans deux jours. On va rendre visite aux connaissances et je vais en auto à Toulouse. Mlle Nelly est prétendue par les vendeuses être ma mère. Le soir on a un orage « maison » avec de la grêle. Jeudi 20 juin 1940 Tout ce que l’on dit ne sont que des racontars. Les Allemands sont encore loin. Pas encore de renseignements concernant l’armistice.

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Left page Je rencontre à Aucamville un client de Scom. L’après-midi je reste la maison car il fait mauvais. Il y a de nouveau un orage. Il paraît que des soldats vont venir ici. Peut-être sera-t-on épargné de la présence des allemands. Le soir à la radio des nouvelles rassurantes. Vendredi 21 juin 1940 Le facteur apporte une partie du salaire de papa. LMT est à Limoges. Je vais à Bruguières. Rose et Gisèle nous annoncent leur visite pour aujourd’hui ou dimanche. Drôle de constatation : Anniversaire papa 26/08 Mobilisation générale Anniversaire Asry 13/04 Norvège Anniversaire David 10/05 Belgique Anniversaire moi 16/06 Armistice demandé L’après-midi je vais avec papa chez les connaissances. Nous commandons du bois. On est plus optimistes. Le soir je vais aux informations. Samedi 22 juin 1940 Rose et Gisèle démentent qu’elles vont arriver. Je vais à Cépet. Il n’y a pas de médecins anversois. Après-midi je vais avec papa à Lalande. Le médecin ne veut pas recevoir. Allons faire des commissions et rentrons vers le souper. Le soir on annonce que l’armistice a été signé. Ça n’est pas encore confirmé. Dimanche 23 juin 1940 Aujourd’hui anniversaire d’Edgard. Je vais avec Asry et Mme Mech à Aucamville à la pharmacie. Allons chez la légumière. Après-midi allons un peu au village. Pour aller à Toulouse il faut autorisation spéciale. On publie le soir à la radio anglaise les conditions d’armistice. J’essaie de prendre maman sur mon vélo, elle a peur !

Right page [Drawing] Notre maison à Gratentour

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Left page Lundi 24 juin 1940 Il pleut continuellement. Néanmoins nous décidons d’aller à Toulouse. Au village ils sont mécontents. Maman ne l’est pas du tout puisque les Allemands ne viennent pas ici. A Toulouse il y a une pagaille formidable. Beaucoup de soldats belges. Les magasins de souliers sont scandaleux. Ils ne laissent entrer personne. Une panne d’électricité dure 1h30. Une femme veut me donner 0,25 € de pourboire parce que je lui ai acheté un sandwich ! Les journaux du soir ne publient rien de nouveau. À Castelginest maman a peur d’aller sur mon vélo ! On croise continuellement des convois militaires. Mardi 25 juin 1940 Les hostilités ont cessé à 0h35. Il était temps. Les conditions ne sont pas encore publiées. Le temps est très mauvais. Nous achetons une bonne cargaison de bois. Il y en aura assez pour longtemps. Le soir à la radio on publie les conditions. Elles sont dures. Je joue aux dames avec Sicard mais je me fais piler. Maman N°2 également. Je fais une partie contre elle mais nous ne la terminons pas faute de temps. Mercredi 26 juin 1940 Le journal donne les conditions d’armistice. Il fait mauvais temps. Je vais à Castelginest faire des achats. Le soir je reste à la maison jusqu’au dîner. Demain nous irons au marché de Fronton. J’irai peut-être voir les demoiselles Rose et Gisèle. Notre voyage est annulé. Pas moyen d’acheter des petits canards pour Asry. Le soir je vais écouter la radio. Les Anglais ont débarqué quelque part. Le souper dure 90 minutes. Jeudi 27 juin 1940 Le temps s’est amélioré. Je reste le matin à la

Right page maison. Cet après-midi juin avec papa à Pechbonnieu. Asry est terriblement embêtant c’est peut-être à cause de la vaccination. Papa est d’assez mauvaise humeur car maman fait tant de plats qu’elle n’a jamais fini avec le dîner ou le souper. Depuis hier la radio française ne joue plus. L’armée belge va probablement être démobilisée. Jusqu’à ce jour j’ai parcouru environ 6820 km avec ma bicyclette depuis mai 1939. J’ai parcouru environ 600 km en territoire français. Je vais avec papa à Pechbonnieu. C’est un tout petit village comme ici. Il y a quelques soldats. Ils disent tous la même chose. Ils avaient ordre de ne pas se battre. En octobre à la ligne Maginot ils annonçaient aux français les régiments qui devraient faire la relève et qu’ils seraient victorieux en juin. Le général De Gaulle passe un savon à Pétain. Il y a beaucoup de clients la radio. On prévoit qu’il y aura du beau temps demain. Vendredi 28 juin 1940 Le temps est radieux, il fait très chaud. Asry est terriblement ennuyeux. Il se fait bien ramasser par papa. Je vais à Castelginest acheter des légumes qui sont horriblement chers. Impossible de trouver du savon. Après un bon dîner je vais chercher du beurre. Il n’y en aura que demain. Le gouvernement belge va soigner pour le rapatriement des citoyens belges. Le projet d’un athénée belge est probablement au diable. Aujourd’hui 6840 km. Papa travaille sur-le-champ. Dans la maison c’était infect : c’est plein de mouches qui ne font qu’ennuyer. Il faut garder fenêtres et portes fermées pour les éviter. Comment est-ce possible ? Le tour de la Roumanie est arrivé : la Russie pose de grandes exigences qui seront probablement réalisées. Un front du travail a été instauré aux Pays-Bas. Bientôt cela sera probablement pour la Belgique. Pourtant beaucoup veulent rentrer chez eux. Ils ne le savent probablement

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